17 février 2017

Revenu universel : (utopie) utile !

Le revenu universel est au coeur de la campagne électorale, grâce à Benoît Hamon. Comme je l'ai déjà écrit, cela permet au moins de parler du travail et de notre monde en mutation. Hier soir, au Cercle Jean Jaurès d'Audincourt, on a démontré que c'était un débat crucial qui soulève des questions concrètes bien plus importantes que les questions d'identité nationale ou de justice pénale à 16 ans. Bref, à Audincourt, on ne fait pas diversion ! On travaille sur du concret !

Rayan Nezzar est un très jeune prof à Sciences Po, chercheur, spécialiste des finances publiques. Il a grandi à Montreuil, dans une famille modeste et a fait des études supérieures grâce aux bourses de la République, ce qui en fait un spécialiste qui n'est pas déconnecté du monde réel. Hier soir, il a tenu conférence au milieu des photos de Raphaël Helle sur l'usine Peugeot et cela prenait tout son sens.



Donc, le revenu universel est-il une bonne idée ? Et comment on pourrait l'envisager concrètement ? Est-ce seulement une utopie ? C'est sans doute une utopie, mais une utopie utile, car elle permet de réfléchir à notre système social.

Tout d'abord, quelle philosophie peut-on mettre derrière ce concept repris de la droite libérale libertaire jusqu'aux marxistes purs et durs ?

La droite libérale y voit le moyen de s'exonérer de toutes l'aide sociale en ne versant qu'un seul revenu universel à tout le monde. Supprimer tout, depuis les allocs de la CAF jusqu'aux retraites, des APL aux remboursements de la Sécu, du RSA aux indemnités maladie...Choc de simplification, qui permettrait de se débarrasser en fait, de l'Etat social, de l'Etat "mère poule" que les libéraux détestent. Dangereux, car les plus faibles de notre société ne s'y retrouveraient pas, c'est évident.

D'un autre côté, les marxistes qui mettent toujours le travail au coeur de notre société y voient un moyen de mettre en place un revenu à vie pour le travailleur, quels que soient les hauts ou les bas qu'il peut rencontrer au long de sa carrière.

Les écolos, quant à eux, y voient un moyen d'accéder à la décroissance, de changer de façon de vivre, dans un monde moins productiviste : le revenu universel pourrait libérer du temps libre et comme le disait Lafargue, accéder au "droit à la paresse".

Benoît Hamon et les sociaux démocrates y voient le moyen de répondre aux évolutions du monde industriel, à la numérisation, au manque de travail que l'on constate déjà : hier soir, au milieu des images de la chaîne de l'usine Peugeot, c'est l'argument que l'on comprenait aisément. Là où l'usine embauchait plus de 40 000 personnes il y a 30 ans, elle n'emploie plus que 9000 personnes péniblement aujourd'hui. Et des intérimaires, des précaires, à tour de bras.

Il faudra de toute façon, accompagner cette mutation du monde.

Toutes ces visions sont opposées : les objectifs des uns et des autres sont différents et c'est bien ce qui fait de cette idée une vraie idée politique. C'est de modèles, de choix de société que l'on parle.

Par contre, c'est aussi d'utopie : pour l'instant, cela n'existe pas à l'échelle d'un pays. Localement, il y a des expérimentations, très diverses : en Alaska, pendant un temps, on a reversé les dividendes de la rente pétrolière, mais sans fléchage, sans but précis, si ce n'est inciter les gens à rester dans ces froides contrées inhospitalières !

En Finlande, une expérimentation porte en fait sur les chômeurs de longue durée, uniquement.

En Inde, dans une région, on pratique une sorte de micro-crédit pour permettre aux jeunes de faire des études, en pariant sur le futur développement économique que cela engendrera.

Et on tente quelque chose en ce moment en Gironde.

Si l'on essayait quelque chose au niveau d'un pays, cela aurait des incidences : soit on opterait pour la solution libérale, en remplaçant toutes les autres prestations. Alors, le financement serait aisé. Mais les conséquences terribles pour les plus vulnérables d'entre nous.

Si l'on ne remplaçait que quelques prestations, alors cela coûterait inévitablement plus cher et cela serait un véritable choix de société. 

On peut faire quelques hypothèses : 

Cela aura des incidences sur le monde du travail, sur notre rapport au travail.
- Est-ce que certaines personnes préféreraient se retirer du monde du travail ?
- Est-ce que cela ne déprimerait pas des secteurs d'activités déjà en crise ?
- Est-ce que cela modifierait la notion de salaire minimum ?
- Est-ce qu'au contraire cela pourrait devenir une force de négociation pour le travailleur face à son employeur ? Pas forcément pour les emplois peu qualifiés...
- Est-ce que les employeurs seraient contraints d'augmenter la qualité des emplois proposés ?
- Est-ce que cela permettrait à un plus grand nombre de participer à des activités associatives sur leur temps libre ?
- Est-ce que cela permettrait aux étudiants de ne pas exercer un job en parallèle de leurs études ?
- Est-ce que cela permettrait de soutenir l'agriculture ?

Et comment le financer ?

Cela pousse à réfléchir au patrimoine et aux inégalités de sa transmission :
- Taxer plus les héritages ? Voilà une question (de plus) de société.
- Taxer les robots, au moment où ils remplacent les emplois salariés ? C'est ce qu'Hamon a avancé dans la campagne.
- Quelle inflation cela provoquerait-il ? Est-ce que l'inflation est souhaitable pour résorber la dette ?
- Est-ce que cela aurait des incidences sur le pouvoir d'achat ? Et donc est-ce que cela permettrait une hausse des recettes via la TVA ?

Bref, ce débat est stimulant. Il permet de penser la société et ses évolutions ! Et rien que pour cela, on peut soutenir Hamon ! Non ?

CC

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