19 mars 2016

Jérôme Fourquet et les fantasmes du vote "arabo-musulman"

Les chiffres me font vite tourner la tête, en général. J'avais peur du statisticien, mais il faut croire que je suis aussi un peu scientifique. A moins que la clarté du conférencier y soit pour beaucoup.

Jeudi soir, Jérôme Fourquet a réussi à décrypter très clairement les dessous des derniers scrutins, au regard d'une thématique qui porte beaucoup de fantasmes : le vote "arabo-musulman". Les guillemets sont nécessaires, puisqu'il est interdit de faire des statistiques ethniques en France et qu'en matière de religion, il faut toujours être prudent. 

La technique utilisée par Jérôme Fourquet, responsable de l'IFOP, pour analyser les résultats des élections est simple : le comptage systématique sur les listes électorales des prénoms d'origine arabe ou musulmane. En retirant les Sarah et quelques autres prénoms, on arrive à un résultat fiable.

Alors ?
- Un petit jeu, pour commencer : classez dans l'ordre croissant ces villes selon le nombre de prénoms arabo-musulmans que l'on trouve sur les listes électorales : Aulnay, Roubaix, Mulhouse, Toulouse, Marseille, Perpignan.
- Pourquoi est-ce qu'on vote plus FN dans les quartiers où il n'y a presque pas de prénoms arabo-musulmans sur les listes électorales ?
- Pourquoi est-ce qu'il y a plus de vote FN quand il y a jusqu'à 16 ou 18 % de prénoms arabo-musulmans, puis que cela diminue ensuite ?
- Et pourquoi les quartiers où il y a le plus d'arabo-musulmans ont voté en très grande majorité pour la gauche aux présidentielles mais beaucoup moins pour les municipales ?
- Dans quelle catégorie sociologique range-t-on les retraités ?
- Que signifie l'expression "le dernier arrivé ferme la porte derrière lui" ? 

J'ai appris des tas de choses, jeudi soir !

- Dans les quartiers limitrophes aux grands ensembles, ont vote plus FN, en rejet de l'immigration voisine, même si l'on y est pas directement confronté. C'est sans doute un peu le même phénomène dans les campagnes...

- 16/18% est le seuil de tolérance pour ceux qui votent FN : ensuite, ils changent de quartier. Ceux qui restent alors ne voient pas d'inconvénient à la présence d'arabo-musulmans autour d'eux.

- Le vote de la présidentielle était surtout guidé par un rejet très fort de Sarkozy qui a bénéficié à Hollande, sans pour autant être un vote d'adhésion au PS. Pour les municipales, sur le terrain, le candidat de droite pouvait être plus satisfaisant que Sarkozy et il y a eu entre temps des déceptions : certes, le mariage pour tous, mais bien plus fortement, les promesses économiques et sociales non tenues.

- Les retraités sont en général classés dans les catégories supérieures, avec les professions libérales, les cadres...

- Quant aux derniers arrivés qui ferment la porte, ce sont ces descendants de l'immigration italienne ou portugaise ou maghrébine de première génération qui votent aujourd'hui pour une politique plus restrictive face à la nouvelle immigration.

Voilà des choses qui vont faire écho à ce que je constate quand je tiens le bureau de vote, les jours d'élection : c'est un quartier populaire qui vote très fortement FN, où vit une population retraitée qui veut fermer la porte derrière elle.

La statistique est une chose. L'action politique en est une autre : mais il est important de comprendre ces mécanismes pour pouvoir agir sur le terrain, pour proposer une politique qui répond aux attentes.

Les livres de Jérôme Fourquet, pour ceux qui aiment les chiffres (mais il y a des gens, derrière ces chiffres), sont éclairants : Karim vote à gauche et son voisin vote FN et L'an prochain à Jérusalem ?

Et la réponse au petit jeu : Toulouse (8,4%), Perpignan (10,7%), Marseille (12,3%), Mulhouse 20,6%), Aulnay (26,2 %), Roubaix (33,3%). Les idées reçues ne sont pas toujours conformes à la réalité, non ?
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7 mars 2016

Si j'écrivais encore sur mon blog...

« - Imagine, on serait ailleurs…non, parce que ça te fait rêver, ça, toi ? La valse musette, le buffet froid…

- Tais-toi, reprends du rosé pamplemousse…

- Du rosé pamplemousse…Je rêve d’ailleurs, vraiment. À quoi ça rime tout ça ? Tu les as vus, toi, les danseurs. Une soirée pour la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité…À quoi ça rime, hein ? Et à quoi ça sert, surtout ? Est-ce qu’on se paye de mots ? Un buffet froid pour l’égalité…C’est dégueulasse, soit dit en passant : des tartes aux poireaux décongelées, tout ça pour la liberté ! La liberté des poireaux ! Et dans des assiettes en plastique : c’est pas pour l’écologie, est-ce pour la laïcité ?

 - Arrête, ma grande, tu te fais du mal…Et puis c’est peuple, c’est simple, à la bonne franquette, on se gêne pas entre nous. Tu as des goûts de luxe, ma parole, c’est pas de gauche, ça.

 - Non, dans le fond, ce n’est pas le problème et tu le sais bien. Je m’en fous de boire du côte du Rhône dans des gobelets en papier…ah ! putain, j’ai cassé mon couteau sur la croûte du comté…Ouais, t’as raison, j’ai qu’à le manger avec la croûte. Mais franchement, on a payé 15 Euros, quand même. Pour ce prix-là, chez l’indien en bas de chez moi, je mange dans des vraies assiettes et le digeo est compris…

- C’est pour la bonne cause…Tiens, écoute, ils ont fait une chanson ! Une chorale, c'est sympa...

- Sérieusement ? La laïcité va en ressortir grandie ! Non, mais vraiment : est-ce qu’on a avancé sur les valeurs républicaines, là ? Même pas un discours politique digne. Même pas trois mots avec du fond, quelque chose de solide…sur…Je sais pas, moi, sur la radicalisation d’une certaine jeunesse, sur le manque de spiritualité de nos sociétés modernes, sur la montée des populismes ou sur la guerre au Moyen-Orient…

- Mais les gens ne sont pas là pour se prendre la tête…

- Redonne-moi un peu de blanc ! C’est pas de l’Aloxe Corton, mais il est pas dégueu, surtout après le côte du Rhône…On ne se prend pas la tête. Je vais te dire, moi, c’est le problème de notre société, ça : on ne se prend pas la tête. En fait, on ne se sert pas du tout de notre tête. On se laisse guider par nos yeux : ce qui fait le plus de show prend le dessus. On a assez vu de migrants, on a assez vu de crève la dalle derrière des barbelés, on a assez vu de gamins morts sur des plages. Passons à autre chose. Tiens, si on faisait un débat à la con pour savoir si ça vaut le coup de supprimer la nationalité au terroriste qui vient de se faire exploser façon puzzle. Et puis quand on en aura marre, on fera un ballon d’essai sur une loi qui décide de faire travailler les apprentis de moins de 16 ans 12 heures par jour. On verra si on a la nostalgie des romans de Zola.

 - T’exagères…Le code du travail, c’est un vieux truc, c’est bien de le secouer un peu. On a fait une motion à la section...Mais franchement, on ne va pas refaire le monde ce soir…

- Non ! Surtout qu’il n’y a plus de vin blanc. Je vais en rechercher une…Et comme ça, j’en profiterai pour serrer la pince à deux trois anciens de chez Peugeot…On a de la chance d’avoir autant de retraités au PS. Avec l’âge, les ouvriers sont moins contestataires, surtout quand le pinard est compris dans le prix…et que le buffet était pas terrible, il faut bien se rattraper sur quelque chose...

- Franchement, tu y vas fort ! Les camarades sont formidables…Bon, je reconnais que les effectifs mériteraient un coup de jeune ! Mais…

- Mais oui, ils sont super sympas, je sais bien, je les aime bien ! Mais il faut bien que les jeunes payent leur retraite, alors c’est plus le moment de faire la fine bouche sur les conditions de travail…Les beaux principes, ça va bien pour la jeunesse, justement…on a le sens des réalités, quand on vieillit…C’est peut-être bien pour ça que personne ne prend plus sa carte…Et les quelques jeunes du MJS, t’as vu leur tête : pas sexy, hein…

- Oh, tu peux parler ! T’as vu ta tête, toi ?

- J’ai pas ma carte, moi, môssieur !

- Ah ben justement, alors, t’es bien placée pour critiquer !

- Si jamais ça t’intéresse de savoir pourquoi je ne la prends pas…Alors que les choses soient claires : j’ai bien conscience qu’il faut une machine de guerre pour les élections et que les partis sont là essentiellement pour ça. Mais ils devraient aussi être force de proposition, ils devraient être le lieu des idées, des débats, des avancées sociales, à gauche. Et à la place de ça, qu’est-ce qu’on a ? Le spectacle affligeant des égos, la quête vaine de la lumière des projecteurs, la course à l’échalote…Les gens en ont marre. Les politiques disent en permanence, à chaque drame, à chaque élection qu’ils ont compris, qu’ils ont entendu, qu’ils vont changer. Et le lendemain, ils recommencent : ils font des congrès pour se planter des couteaux dans le dos, ils se traitent de frondeurs ou de godillots et se réjouissent que leurs camarades d’en face soient odieusement traînés dans la boue pour des affaires de justice lamentables. Tu ne crois pas qu’ils feraient mieux de se mettre autour d’une table pour travailler, pour trouver de vraies solutions pour endiguer la crise, comme on le fait localement, sur le terrain : tu le sais, on bosse, ici, on investit, on se bat pour l'emploi local, pour le commerce, pour le BTP, on fait ce qu'on peut...Et en récompense, on nous coupe presque les vivres. Pendant ce temps-là, tout ce qui vient d'en haut semble serrer la ceinture chaque fois un peu plus...Alors que tu le sais toi, que la situation est grave : tu le vois au quotidien, tu es prof, tu les vois, ces enfants avec leurs joggings miteux, été comme hiver, avec leur triste mine de mal nourris et leurs dents pourries. Tu le sais bien que la bouffe du Lidl, ça ne fait rien de bon pour leur santé, mais qu’avec deux parents au chômage et trois ou quatre enfants à nourrir, c’est la seule solution…

- Arrête ton misérabilisme…
- Vraiment ! Tu ne vois pas la réalité en face, là ! Tu te mens !
- Pfff…Mon verre est vide…
- Tiens ! Bois un coup…
- On va danser ? »
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