24 novembre 2009

Redoubler d'efforts...

On commence maintenant à se rendre compte des différents aspects de la réforme des lycées que Nicolas Sarkozy a annoncé il y a bientôt un mois. En effet, son VRP… euh, son ministre, Luc Chatel, distille très lentement les éléments techniques sur ce qu'il adviendra du lycée français.

Dans le discours de Nicolas Sarkozy, une annonce est passée relativement inaperçue, et pourtant, elle est réellement porteuse de nombreuses remises en cause du système éducatif français : « le redoublement doit devenir l'exception. »

C'est ainsi que commence le billet de Matthieu L., un privilégié, comme moi, qui s'adresse à ses collègues pour une réflexion sur le redoublement.

Tout d'abord, pour moi qui suis prof en collège, le redoublement est déjà l'exception. On a le droit d'en proposer un par classe, au conseil de classe du troisième trimestre. On doit ensuite durement l'argumenter, tant devant ses collègues que devant l'administration. Et finalement, ce sont les parents qui choisissent. L'année dernière par exemple, au terme d'une négociation entre l'administration et des parents, j'ai dû aller soutenir une commission d'appel pour faire redoubler une élève de 6ème.

Faire redoubler un élève n'est pas un acte à la légère. Il faut être sûr de son coup : pas question de faire redoubler un élève pour rien. Il faut faire redoubler des élèves qui ont la capacité de mieux réussir en refaisant une année.

Ce qui compte avant tout, c'est l'explication, la discussion avec l'élève et les parents.

Par exemple, l'année dernière, pour cette élève, j'avais entrepris un dialogue de longue haleine avec cette petite sixième gentille et travailleuse, qui malgré ses efforts n'arrivaient pas à acquérir le minimum vital pour faire une cinquième confortable.

On avait mis en place des aides, du tutorat, des études encadrées, tout au long de l'année. Elle avait progressé un peu, mais il lui manquait encore de l'assurance et certaines bases.

Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de faire le même travail d'explication avec les parents. Ils ont consulté l'administration du collège, qui est toujours contre les redoublements, puisqu'elle subit des pressions du rectorat pour faire des économies.

Le jour de la commission d'appel, qui avait pris du retard, j'ai pu parler aux parents, enfin. J'ai expliqué, pendant une bonne demi-heure, simplement. Et finalement, au moment de passer devant la commission, les parents avaient accepté le redoublement.

Cette élève fait aujourd'hui une nouvelle sixième : on m'a dit qu'elle était plus confiante en elle, qu'elle progressait et qu'elle avait compris beaucoup de choses. L'année n'est pas terminée, attendons la suite. Cependant, pour ce cas particulier, j'étais à peu près sûre que ça marcherait.

Un autre exemple. Le mien. Je suis rentrée en 6ème après une scolarité de primaire très chaotique : j'habitais un petit village, dans lequel la classe unique n'attirait pas d'enseignant près à s'installer. J'ai parfois vu défiler jusqu'à 5 ou 6 enseignants en une année. En plus, j'étais seule de ma classe d'âge, donc souvent oubliée dans mon coin, par l'instit débordé par les autres niveaux.

Je savais lire et j'avais une bonne culture générale, parce que lire, ça occupe quand on est tout seul, en classe. J'avais de très mauvaises bases en maths et en grammaire.

La sixième fut un choc : autant d'élèves d'un coup dans la même classe que moi, ça a été l'horreur. Surtout que j'avais la santé plutôt fragile, que je prenais un bus à 7h pour ne revenir qu'à 17h30 le soir et la bouffe de la cantine me changeait quelque peu des petits plats bio de ma maman.

Bref. J'ai foiré cette année, multipliant les absences pour otites et j'avais beau travailler, je ne rattrapais pas mon retard.

Des profs avisés m'ont fait redoubler. Aujourd'hui, je peux dire que ça m'a sauvé la vie. Ma deuxième sixième m'a permis de comprendre ce qu'on me demandait, d'emmagasiner des bases et de décoller enfin.

Deux exemples. Deux cas particuliers diront certains. Cela n'a pas valeur de règle.

Mais n'en déplaise aux gestionnaires de bas étage qu'on nous impose pour diriger l'éducation nationale : l'enseignement est une affaire de cas particuliers. Le redoublement n'est qu'un outil qui peut fonctionner dans certains cas. Le balayer d'un revers de manche, c'est se priver d'un moyen.

Mais priver de moyen les services publics, c'est bien la spécialité de la politique actuelle.

(Je ne taggue personne. Tout ceux qui veulent en parler sont les bienvenus !)

CC
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3 commentaires:

  1. Comme je suis d'accord avec toi. Le redoublement ne doit pas être soumis à un "quota par établissement".

    Si un ensemble de profs suggère un redoublement ce n'est pas pour voler de l'argent public. C'est parce qu'il croit en les capacités de l'élève et qu'il veut lui permettre de saisir une autre chance pour réussir son année. En aucun cas, il ne s'agit d'une punition. Perso, si je n'avais pas doublé ma seconde, je n'aurais jamais fait d'études sup. alors que j'en ai parfaitement eu les capacités.

    Maintenant, il est vrai que si un élève n'est pas "preneur" de cette chance, le redoublement peut être un échec et être une année de "perdue". Mais je crois que si les profs font bien leur travail en amont et expliquent pendant des mois les enjeux du redoublement et que l'élève et ses parents acceptent les nouvelles règles du jeu, alors ils ont la responsabilité de lui laisser ce choix.

    Le redoublement ne doit pas être envisager comme une exception mais comme un choix possible à offrir. On n'a pas le droit de sacrifier des gamins pour une question de coûts. L'école n'a pas à être rentable. L'école doit être humaine.

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  2. Hello Petite Bricole !

    Merci pour ton témoignage : encore un cas particulier qui vient confirmer la règle !

    La rentabilité et l'humanité, ça ne va pas ensemble, malheureusement. Regarde, par exemple, à France Télécom...

    Dur dur...

    Bises,
    CC

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  3. Merci pour cette réponse.

    En fait, tu es tout de même pour une remise en cause du système actuel. Tu ne vois pas du tout le redoublement comme une sanction, tu le conçois comme une remédiation, ce qui n'est souvent pas la vision des collègues.

    Cependant, ce que tu proposes n'est pas dans la vision de l'administration, car trop chère.

    Une remarque : deux cas individuels permettent-ils d'établir une règle commune ?

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