27 janvier 2010

Réforme du lycée : -126 h de français pour la filière L

Alors que avant-hier, Sarkozy prônait toujours une revalorisation de la filière L au lycée, contre l'hégémonie des scientifiques, quand on y regarde de plus près, ce n'est pas tout à fait ça. En effet, c'est bien 126h d'enseignement des lettres qui disparaîtront au cours du cursus d'un lycéen de filière Littéraire. Pour une revalorisation, c'est une sacrée revalorisation.

Déjà que les élèves n'étudieront plus le chômage en cours de sciences économiques...

Je vous copie ici le texte très clair d'une pétition qui n'est pas seulement destinée aux profs de lettres, mais qui concerne tous ceux qui pensent que bien connaître la langue permet de penser et de ne pas se faire entuber en permanence...

Pour signer ce texte, c'est là : http://petitions.eu.org/?petition=11

Lettre ouverte aux professeurs de français et à tous ceux que l’enseignement de notre langue et de la littérature concerne.

La nouvelle réforme prévue par Luc Chatel, l’actuel ministre de l’Education nationale, a suscité de nombreux remous à propos de la suppression de l’Histoire-Géographie en classe de Terminale S. Il est étonnant que la suppression, sur trois années de lycée, d’à peu près 4 heures d’enseignement obligatoire du français ait suscité si peu de réactions, à croire que cette suppression est passée inaperçue. De fait, elle est bien camouflée et pourtant…

En classe de seconde, les élèves ne feront plus, sous le régime Chatel, que 4 heures de français en classe entière, l’heure de module par quinzaine disparaît ainsi que l’heure d’aide individualisée. Dans un document remis aux proviseurs des établissements, il est dit très clairement que les heures de modules de français et d’histoire géographie ont été ôtées à ces deux matières pour la mise en place de l’accompagnement personnalisé. Or, l’heure d’accompagnement personnalisé n’est pas une heure de français, ce qu’était l’heure d’aide individualisée. Les élèves perdent environ 1h 30 de français par semaine, ce qui met la matière au même rang que les autres. Certes les établissements auront tout loisir de rétablir ce manque grâce au volant de dix heures complémentaires par division, mais celui-ci est « volant », ajustable, et sera réparti selon les projets, les volontés et personnalités plus ou moins fortes des équipes, autant dire que la rivalité entre les équipes d’enseignants et les matières risque de s’amplifier. Il va sans dire aussi que moins d’heures pour les élèves signifie moins d’heures par classe pour les professeurs et que les enseignants de français vont tôt ou tard voir leur nombre de classes augmenter, donc le nombre de leurs copies, ce qui risque de porter préjudice à leur enseignement. L’enseignement « Littérature et monde contemporain » ouvert comme enseignement d’exploration est une proposition intéressante, mais, optionnel, il ne saurait concerner chaque classe, il regroupera sans doute les élèves qui en feront le choix si l’établissement propose un tel enseignement et cet enseignement se fera sur 1h30. Là encore, c’est aux équipes de se mobiliser sans doute et de convaincre le chef d’établissement d’ouvrir une telle option, mais comment convaincre les élèves de la choisir lorsqu’une telle option est mise en concurrence avec l’économie (SES), les méthodes et pratiques scientifiques (MPS), déjà présentes dans les établissements ?

En classe de première, peu de changement apparemment, sinon que l’horaire de français est réduit à 4 h en première L, dont la spécificité était jusque là d’être littéraire. Désormais, pour former un futur lettré, quatre heures devraient suffire. Un enseignement de spécialisation obligatoire de deux heures vient certes remplacer les deux heures perdues, mais l’on peut s’inquiéter de l’intitulé « littérature française » qui présuppose que les 4 h allouées au français soient destinées à autre chose qu’à étudier la littérature française. De plus, il y a fort à parier que cet enseignement dit de spécialisation soit confié à un autre professeur que celui qui assurera, toutes séries confondues, les 4 premières heures de la matière. Quelle sera la cohérence d’un enseignement ainsi morcelé ? La perte de formation véritablement littéraire, quoique diffuse et difficilement quantifiable, sera réelle. Là encore, les professeurs auront sans doute moins d’heures à assurer par classe et verront ainsi leur nombre de classes augmenter.

Enfin, en classe de Terminale L, l’enseignement de la littérature passe à deux heures par semaine, malgré une expérience convaincante de quatre heures, qui fonctionnait bien depuis plusieurs années et permettait d’asseoir la spécificité littéraire de la filière sur un programme sérieux et exigeant. L’enseignement de spécialisation obligatoire de Première L et intitulé Littérature française disparaît et aucune option spécifiquement littéraire n’est plus proposée aux élèves.

Le plus étrange dans cette réforme est qu’elle prétend vouloir « renflouer » la filière L. Or, avec 3 heures 30 de français par semaine en moins sur trois ans pour un élève suivant le cursus littéraire (soit 126 heures supprimées au total), les mots du ministère résonnent comme un habile camouflage d’une diminution radicale de la place du français dans l’enseignement.

Le français n’est pas une matière comme une autre. Est-ce une matière de moindre importance qu’une autre ? Déjà, depuis plusieurs décennies, les professeurs ne disposent que de deux ans pour préparer leurs élèves à deux épreuves de baccalauréat, tandis que les autres matières disposent de trois ans pour les préparer à une seule épreuve ! Cet écart, de plus en plus nuisible à la maîtrise et de la langue et des exercices requis, explique peut-être la médiocrité des résultats de nos élèves au baccalauréat. Un véritable «renflouement» et de la filière L et de l’enseignement du français aurait consisté à ajouter des heures de français en terminale S et ES ainsi qu’une heure hebdomadaire dans tous les niveaux. Le français est le poumon des autres disciplines. Sans maîtrise de celui-ci, il est fort difficile de réussir dans les autres matières, quelles qu’elles soient.

La suppression de 126 heures d’enseignement obligatoire du français sur trois ans, ainsi que la perte objective de contenus proprement littéraires dans une partie des heures restantes (144 heures), fait clairement apparaître l’esprit de cette réforme : on ne donne plus aux élèves les moyens de progresser dans la maîtrise de leur langue ni dans la connaissance de la littérature. Matière d’éveil et de réflexion au même titre que l’Histoire et la Géographie, le français fait l’objet de coupes claires pour que l’école ne soit surtout pas le lieu d’un apprentissage de l‘esprit critique. Priver le peuple de sa propre langue, c’est délibérément chercher à le priver de son outil de pensée. Il n’est pas besoin d’avoir lu George Orwell pour comprendre qu’une langue appauvrie donne des esprits plus accessibles aux slogans et à l’absence de logique.

Les belles paroles du projet cachent mal de surcroît son objectif majeur : faire passer les restrictions budgétaires pour une réforme de l’enseignement. Les prévisions du budget 2010 sont claires : - 5200 postes seront supprimés dans le second degré public. En ne remplaçant pas un professeur sur deux qui part à la retraite, il faut bien faire en sorte que ceux qui restent travaillent plus, sans être payés plus : les professeurs de français seront les premiers à en faire les frais dès la rentrée prochaine où ils verront leur nombre de classes augmenter.

Nous demandons le retrait immédiat de ce projet de réforme et nous appelons les parents d’élèves, les syndicats, les partis à exiger, avec nous que l’enseignement du français garde une place de premier plan dans le cursus des élèves.



CC
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5 commentaires:

  1. Le "nous" et le "je"
    Oui, j'acquiese à ce texte: il y a le "je": revendication d'une personne qui s'atelle à un groupe.
    Il y a le "nous", cri syndical auquel j'adhère entièrement, les Lettres restant (peut-être) un petit îlot de résistance par rapport à la dictature du chiffre (je ne théoriserai pas davantage, mais écrivant cela, envie d'écrire des pages et des pages...)
    Mais entre ce "je" et ce "nous", faut-il -désolé du calembour- se mettre à "genoux' sur le paillasson d'une pensée désséchée, pédago triste comme l'ont tant pratiquée les syndicats de l'Education Nationale?
    Je crois que l'Education Nationale est surtout victime de ceux qui disent la servir: Allègre hier, la droite aujourd'hui... mais ne vous y trompez pas, à gauche c'est une autre haine: mais c'est une haine aussi.
    Le savoir, la culture, le fil d'une Histoire et d'une pensée? Allons donc!Ce n'est plus, depuis longtemps -hélas!- le souci de l'Education Nationale. Je ne parle pas des Enseignants mais de l'Institution.

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  2. Je trouve ça triste et incroyable...

    Bonne journée

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  3. Et on se lamente que les jeunes ne savent plus parler et écrire un français correct, et on déplore que la langue française se perde...

    On marche sur la tête

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  4. Enlever les cours de français quelle honte ? Avec la jeunesse qu'on a qui n'est pas capable d'écrire un mot sans faute, grace à la culture sms, whaouh, ça nous promet des lendemains fabuleux, je vois les nouveaux métiers poindre : "correcteur orthographique"

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  5. La diminution des heures de
    Français est inadmissible!!!
    J'ai 15 ans, je rêve depuis toujours de devenir professeur de Français et je trouve ça deployable de supprimer des heures de cette si belle et importante matière...! C'est incroyable! En esperant qu'ils changent d'avis... C'est horrible!

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