15 février 2010

La violence est-elle notre seul espoir ?

C'est monstrueux. La violence à l'école devient le dernier espoir, pour les profs, de voir enfin leur situation difficile reconnue : encore quelques coups de couteau ou de cutter et quelques solutions seront peut-être trouvées.

En fait, cette espérance est celle de voir enfin les parents se réveiller et prendre en main l'avenir de leurs enfants. Les parents sont évidemment plus écoutés que les profs. Les profs ne font que râler tout le temps, ce ne sont que des révolutionnaires de profession. Personne n'écoute plus leurs revendications éternelles et on s'est habitué depuis longtemps à leurs grèves périodiques et inutiles qui tombent toujours les jours où il fait beau.

Les parents, cela fait une belle masse de votant. Les profs ne sont qu'un petit million et qui, en majorité, votent à gauche par atavisme. Inutile de les chouchouter.

Alors j'apprécie l'initiative de ce parent soucieux de l'éducation de sa fille, qui a décidé de saisir le tribunal contre Luc Châtel pour rupture de la continuité d'enseignement public : les profs non remplacés et la gestion pourrie du personnel de l'éducation nationale commencent à se voir.

Si l'on espère voir changer les choses, il va falloir proposer quelque chose. Et là, c'est délicat.

J.P. Briggheli s'essaye à l'exercice. J.P. Brighelli enseigne à des post-bac dans des classes préparatoires et se penche de tout là-haut pour donner son point de vue sur les collèges de banlieue : en rouge dans son texte, je me permets quelques remarques, moi qui ne suis que sa modeste collègue de ZEP...

- les téléphones portables peuvent servir à enregistrer / diffuser des scènes de violence et de provocation ? Interdisons les portables dans l’enceinte des établissements. En cas d’infraction, confisquons-les, avec obligation aux élèves de se faire accompagner de leurs parents pour les récupérer. C’est déjà le cas dans un certain nombre d’établissements : ce qui est possible là ne le serait pas ailleurs ? Allons donc !
> Les parents sont rassurés par les téléphones portables. Si les parents veulent que leurs bambins aient des téléphones portables, ce ne sont pas quelques profs rétrogrades qui les en empêcheront. Même la menace du cancer et de la tumeur au cerveau n'y change rien...Alors les profs...Et puis les parents sont tout puissants, ce sont eux les électeurs de poids, les payeurs, les consommateurs, les clients.


- Les élèves doivent présenter un carnet de correspondance ou une carte à l’entrée des établissements — et l’entrée doit leur être refusée s’ils ne l’ont pas. Dans le même ordre d’idées, des adultes (concierges, surveillant, et surtout personnels de direction) doivent chaque matin être à l’entrée des élèves — ne serait-ce que pour leur faire comprendre qu’ils entrent dans un autre système qui a ses règles et ses pontifes;
> C'est en effet ce qui se passe dans mon collège. Les chefs sont à la grille et ils s'en grillent une, tranquilles. Bel exemple, pour la jeunesse. Un des problèmes de l'éducation, ce sont aussi les chefs d'établissement. Ils ont une pression énorme sur les épaules, de la part du rectorat. On peut comprendre cela. Cependant, comme plus personne ne veut faire ce métier plein de responsabilités, de tâches administratives pénibles et le rôle d'éternel punching-ball, alors, on recrute un peu n'importe qui...

- nous manquons de surveillants ? Embauchons-en — à ceci près que ce ne sont pas des étudiants surmenés et à temps partiel qu’il faut utiliser, ni des « grands frères » dont l’activité principale consistera à imposer l’observance de tel ou tel précepte aux petits. Non ce sont des adultes, des vrais adultes, qu’il faut mettre en face des enfants. Pas des copains. Nous avons pléthore de quinquagénaires en recherche (désespérée, parfois) d’emploi ? Recrutons-les prioritairement, ils seront bien plus à l’aise, face aux jeunes, que… des jeunes;
> Pourquoi pas...Je verrais bien quelques-uns de ces donneurs de leçons qui pullulent sur les forums et dans les commentaires dès qu'on parle d'éducation. On rirait un peu...

- un élève perturbe gravement un cours ? C’est à l’administration à le prendre en charge — pour le bien collectif. Un élève perturbe gravement un établissement ? Non seulement il faut le virer, mais ne pas le réinscrire dans un établissement qu’il contaminera tout aussitôt : il faut recréer d’urgence des structures adaptées;
> Mais ça y est ! Un internat d'excellence est ouvert depuis septembre...Un seul pour toute la France, c'est un peu juste, mais on va se pousser...Sinon, Jean-Paul, vous vous rendez compte de ce que vous proposez ? Vous savez combien ça coûte ? Franchement, ce n'est pas raisonnable ! Oui, bien sûr c'était une promesse de Nicolas Sarkozy, mais les promesses, voyons !!! Vous savez bien que ça n'engage que ceux qui les croient...

- des petits morveux crânent en classe parce qu’ils savent que leurs parents interviendront ? Interdisons à nouveau aux parents d’entrer dans les établissements scolaires. Fermons-leur les conseils de classe, de discipline et d’administration (franchement, en quoi y sont-ils compétents ?). Après tout, les parents entrent-ils dans les hôpitaux pour suggérer aux médecins les soins que réclame leur progéniture ?
>La société hait tellement les profs, déjà...Est-ce la peine d'en rajouter une couche ? Je sais combien c'est difficile de se sentir juger dans son travail par des gens qui croient savoir, mais qui ignorent tout de la profession. Cependant, je reste convaincue qu'on peut faire du bon travail, en collaboration avec les parents. C'est sans doute parce que je suis dans un quartier difficile : le contact avec les parents y est plus aisé et plus respectueux, en général.

- Si nécessaire, indexons le comportement des voyous sur les prestations sociales dont bénéficient leurs parents. Le facteur économique étant déterminant en dernière instance;
> D'accord seulement si le système est capable de proposer une solution concrète aux parents : c'est injuste de couper les vivres aux parents sous prétexte que leurs enfants se conduisent mal. S'ils se conduisent mal, c'est aussi parce qu'ils ne sont pas bien dans le système éducatif. (Voir le point suivant)

- il peut arriver qu’un élève se dissipe (un joli euphémisme, tiens !) parce qu’il a l’impression de ne rien avoir à faire dans un cursus généraliste de longue durée. Eh bien, consentons une fois pour toutes à repenser le collège unique, qui nous fait entretenir des dizaines de milliers de pauvres gosses mal à l’aise dans un enseignement général inadapté — et qui fourniront le gros du bataillon de 140 000 gamins qui sortent du système scolaire fin troisième sans rien dans la tête, ni dans les mains;
>Absolument d'accord. Mais encore une fois : est-ce bien raisonnable ? Sait-on le prix que ça coûte ?

- c’est tout l’établissement qui est gangrené par la violence, parce qu’un utopiste fou a pensé intelligent de construire un ghetto scolaire à l’intérieur d’un ghetto social ? Ce n’est certes pas en le repeignant qu’on améliorera la situation. Puisqu’il est financièrement pas plus onéreux de le reconstruire (ailleurs, si possible) que de le réhabiliter, n’hésitons pas — construisons-le ailleurs, et dispersons les mauvais sujets. Et réaménageons l’espace intérieur – une estrade, parfois, cela suffit à faire la différence, tant il est vrai que l’enseignement est un art du spectacle;
> Et contrôlons la carte scolaire avec assez d'autorité pour que de vrais mélanges sociaux se fassent. Pour l'estrade, par contre, c'est le meilleur moyen pour se casser la figure...

- trop d’enfants ont un rapport déficient à la langue, parce que leur environnement familial n’a pas eu accès lui-même à la langue et à la culture de l’école — c’est-à-dire celles de la bourgeoisie ? Construisons vraiment ces « internats d’excellence » dont parlait jadis un certain candidat à la présidence dont je crois bien qu’il s’appelait Sarkozy. Inutile de nous bercer d’illusions : face au poids familial, face aux contraintes environnementales, l’école ne peut pas tout;
> La langue est au cœur du problème : rétablissons des horaires de français dignes de ce nom. Non, l'école ne peut pas tout. Surtout l'école telle qu'elle est conçue actuellement.

Et de façon générale, instaurons la tolérance zéro.
> Cette formule ne signifie pas grand chose, en vérité, mis à part reprendre un slogan sarkozyste qui ne signifie pas grand chose non plus, on le constate chaque jour.
Quand on est confronté à des cas de misère sociale, quand on est face à des élèves de 6èmes sales et mal nourris, quand on reçoit des élèves qui ne savent pas écrire et qui ne comprennent rien au monde qui les entoure, on ne peut pas, humainement, être intolérant.


CC
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5 commentaires:

  1. Pour la "tolérance zéro" il s'agit des faits non des personnes...

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  2. Bonjour Polluxe,
    "Et de façon générale, instaurons la tolérance zéro."

    Je ne comprends pas cette formule qui n'est d'ailleurs qu'une formule.

    La tolérance zéro à propos des faits ? qui commet ces faits ?

    Complétement abscons...Tu m'expliques ?

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  3. D'accord avec toi, seules les réactions des parents pourraient changer quelque-chose. On nous annonce pourtant qu'ils sont d'accord en majorité avec la réforme du lycée... alors qu'elle ne revalorise pas la filière L, détruit la filière L, permet de gagner des heures et diminue les exigences... pour plus d'élèves au bac ? mais qu'en est-il de la préparation aux études supérieures... car notre inspecteur nous dit bien que notre rôle est de les préparer au bac... uniquement.

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  4. Bonsoir Le Shaker,
    En effet, ça semble une évidence : cette réforme est désastreuse. Mais est-ce que l'information que les parents lambda en ont eu, a été bien claire ?

    Pas sûre...

    CC

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  5. C'est sûr que les discours démagogiques passent bien !
    Mais le seul moyen de s'en rendre compte, c'est de faire le compte des heures, et de regarder les programmes...qui ne sont pas encore définitifs.
    Difficile de nos jours d'avoir une information fiable. Ils préfèrent nager en eaux troubles.

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