18 février 2010

Violences scolaires

Ce n'est pas tellement nouveau, mais c'est différent. Avant, les gamins se mettaient des peignées dans la cour, pour des histoires de nanas ou de billes...Aujourd'hui, ils y vont à coup de couteaux, de cutter, de battes de base-ball ou de barre de fer. C'est un peu plus inquiétant.

Certes, tout ça resterait peut-être au rang des faits divers, en temps normal, mais là, les médias s'intéressent : les élections approchent et comme par hasard, c'est toujours une période où la violence augmente...dans les journaux.

Mais il n'y a pas que ça. Les mouvement dans l'académie de Créteil le prouve : les profs expriment un gros ras-le-bol.

La violence a changé de visage et elle est aussi plus courante et totalement banalisée : les "happy slapping" ou les jeux sadiques qui consistent à massacrer des élèves pour rien, comme les "petit pont" ou "jeu de la boule" se multiplient, par exemple. Il y a aussi une violence plus quotidienne qui consiste à se taper dessus "pour rigoler". C'est ce qu'ils me répondent, mes collégiens quand je leur prends leur carnet pour les sanctionner : "Mais Madame, c'est pour rigoler !"...

Le problème, c'est qu'il devient impossible de sanctionner ces petites violences au jour le jour. Dès qu'on a le dos tourné, ils se sautent dessus...

Il manque du personnel, dans les établissements. Ce n'est rien de le dire : cela fait des années qu’on supprime des postes de surveillants. Dans mon collège, pendant la récréation, tout le monde est réquisitionné pour surveiller les couloirs, parce qu’il n’y a qu’un ou deux surveillants pour deux cours de récré et tous les couloirs. Même les personnels d’entretien sont obligés de surveiller. Ce n’est pas leur métier et ce n’est pas une solution. Les élèves, d’ailleurs leur manquent souvent de respect, ce qui ajoute au désordre.

Les quelques surveillants qui sont là sont trop précaires pour être efficaces : employés à mi-temps, payés une misère, pas sûrs d’être repris l’année suivante, faisant des études en même temps, très jeunes, ils n’ont pas forcément la carrure professionnelle pour être à la hauteur de la situation.

Pour ajouter au tableau de l'horreur, pourtant assez réaliste, la tendance à l'économie de bouts de chandelles pousse à faire des établissements de plus en plus gros. Une seule administration pour un établissement au lieu de deux, un seul CDI, moins de profs, des classes plus grosses, l'Éducation Nationale a tout à y gagner.

Mais ainsi, réduit progressivement la qualité de l’accueil. Les élèves sont anonymes parmi la foule, à un âge, l’adolescence où ils ont besoin d’être chouchoutés...La violence est alors un moyen de se faire remarquer

Et puis, dans un grand établissement, les allées et venues sont moins contrôlables, surtout avec moins de personnels. Il est aussi plus aisé de rentrer, depuis l’extérieur. On l’a vu lors des dernières affaires : les agresseurs venaient de l’extérieur...

Les profs ne sont plus crédibles, alors je crois que les parents vont devoir se battre à leur tour. On a trop souvent l’impression que les enseignants se battent pour eux et pour leurs acquis : c’est faux. La majeure partie des enseignants qui font grève le font par conviction : ils ne perdent pas des journées de salaire pour le plaisir. Souvent d’ailleurs, ils sont parents et sont les premiers effarés de ces nouvelles conditions d’enseignement.

Tous les parents ont de quoi être inquiets de cette montée de la violence : leurs enfants sont-ils vraiment en sécurité à l’école ?

Le programme du gouvernement consiste à faire des économies à tout prix, en veillant à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On réduit les crédits de fonctionnement aux écoles, les moyens humains, mais le nombre d’élèves ne diminue pas, lui : la natalité se porte bien. Les familles ne réagissent pas à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement parce qu’elle est progressive, parce que les enfants évoluent de l’école au collège et que les profs font le maximum pour que ça ne craque pas tout à fait. D’ailleurs, cette diminution se fait au coup par coup, dans une école mais non dans l’établissement voisin, de telle sorte que l’on évite un mécontentement général de la population.

C'est la fameuse métaphore de la grenouille. Et c'est pareil pour beaucoup de choses : tenez, les retraites...

Mais si l'on n'est pas encore tout à fait cuit, il est temps de donner le coup de patte qui nous sauvera...

CC
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10 commentaires:

  1. Du temps où j’étais au collège ; et ce n’est pas si vieux, à peine quinze ans, les pions faisaient un boulot de pion.

    Les profs faisaient un boulot de prof, et les gens du ménage... le ménage.

    Hors lutte des classes (me faudrait 10 pages), chacun à sa place, chacun un vrai boulot avec ses avantages et ses inconvénients. La machine tournait déjà mal à l’époque, c’est certain, mais on ne s’écharpait pas à coup de surin sur l’hôtel de notre soi-disant honneur perdu.

    À un niveau moins personnel, un petit mot sur la logique gouvernementale, simple, quitte à radoter. Cramer dans l’idéologie populaire que le public, dans son ensemble, est à jeter. Pour eux, l’éducation nationale n’est qu’un détail parmi ce qu’il reste à vendre. (voir la vidéo de C. Barbier à ce sujet)

    Nous devons comprendre que le modèle public ne fonctionne pas.

    « Ça craint. C’est rempli de poignardeurs qui volent des scooters. Les profs ne foutent rien. 4 mois de congés par ans. Et puis ils sont tous le temps en grève. Sont trop payés » etc., etc.
    Et en plus, ceci permet de faire croire que l’état fait des économies. (Alors qu’on ouvre des prisons.. Quoi ? Je fais du populisme ?)

    Attendons encore un peu CyCee, dans quelque temps et à ce rythme, tu seras privatisée.. Comme les autres.

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  2. Bonsoir Edelihan,
    Tu es resté assez calme, finalement...

    Même constat, on est sur la même longueur d'ondes...

    Et pourtant, dans l'idéologie populaire, il y a toujours l'idée que c'était mieux avant.

    Mais de là à se poser la question : "Tiens, mais pourquoi, c'était mieux avant ?"...Et de là à trouver les bonnes réponses, il y a encore un monde...

    Terrible constat...

    Bises (et n'hésite pas à commenter, malheureux !!!)


    CC

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  3. Connaissez vous le travail d'Alice Miller sur l'enfance et les violences ?

    Tous les enseignants et tous les élèves devraient en être informés durant leur scolarité, mais des enseignants peuvent toujours le faire même si ce n'est pas officiellement au programme.

    Les enseignants en maltraitant les élèves participent eux aussi à la création de la violence qui se retourne contre eux ensuite.

    http://alice-miller.com/index_fr.php

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  4. Le "c'était mieux avant" est aussi très pratique ; je le prend où, le ticket, pour aller vérifier ?

    L'autre à la mode (il est bon, il est de logique Sarkoziste): Le "c'était mieux avant", et : "ce sera encore mieux demain". (idem, ticket siouplé !)

    Bon courage.

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  5. je parle d'une époque que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre mais je ne me souviens pas avoir vu une seule bagarre au collége ou au lycée quand j'étais élève (dans un quartier populaire je le précise) alors que pour mes enfants ça semble un spectacle normal.

    par contre en tant que parent, ayant été déléguéee à plusieurs reprises j'ai toujours eu l'impression que mon avis on s'en contrefichait et que j'étais jugée non compétente

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  6. Bonjour,
    @groblin : non, je ne connais pas : je vais découvrir, merci. Dans mon article, quand je parle de la taille des établissements et du fait que les élèves rentrent dans un anonymat terrible, je parle de violence que l'école fait aux élèves. C'est de ce genre de choses que parle Alice Miller ? J'en ai conscience. Les notes, les remarques, les vexations, j'en ai conscience aussi, au combien. Je tente, dans ma pratique, de limiter ce genre de violence, de respecter les élèves, de les considérer vraiment comme des personnes individuelles et fragiles. Mais dans ma pratique de prof principale, je recueille des témoignages d'élèves, à propos de mes collègues, qui me font penser que je ne suis pas la règle, malheureusement...

    @Edelihan : absolument, je veux un ticket aussi. Pour le passé et pour le futur ! Par contre, pour Sarkozy, pas de doute : pour lui, ce sera mieux après...

    @Olympe : quand j'étais au collège, il y avait parfois des bagarres à la sortie. Deux ou trois fois par an, tout au plus, entre deux élèves, pour des histoires de filles, souvent. Je me souviens que cette violence m'effrayait, en général. Aujourd'hui, les enfants peuvent se provoquer d'un seul regard et peuvent se mettre à 10 contre un à la sortie...Et en effet, c'est normal...Je ne sais pas l'expliquer...Est-ce qu'on peut mettre ça sur la violence de la société en général ? Est-ce la faute des jeux vidéos, des films ? de la télé ? Est-ce que toute la société n'est pas fondée sur une certaine violence, finalement ? Quand Philips dit le samedi à ses salariés que ce n'est pas la peine de venir travailler le lundi, n'est-ce pas une violence encore plus grande ? Quand on juge normal que Proglio touche des sommes faramineuses tandis qu'on demande aux bénéficiaires du RSA de payer la taxe d'habitation, n'est-ce pas d'une violence inouïe ?

    Pour la compétence des parents d'élèves, elle est bien réelle quand il s'agit d'éducation. Par contre, elle est plus discutable quand il s'agit d'enseignement. Je pense que les parents et les enseignants doivent aller main dans la main, en ce qui concerne l'éducation. Par contre, l'enseignement est du domaine de l'expertise professionnelle de l'enseignant, comme la médecine est du domaine pro du médecin. Les parents doivent absolument se renforcer dans les fédérations de parents, avoir un vrai discours commun, sur les conditions générales de l'école, en tout cas...

    CC

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  7. Contente de lire une analyse globale du problème de la violence scolaire. Dommage que les reportages télé ou radio ne pointent pas toutes les données du problèmes.
    Il y a toujours eu de la violence à l'école, ce qui change c'est les "méthodes" et surtout comme tu dis les moyens de réguler et d'encadrer. Une caméra ne remplacera jamais un adulte à l'écoute.

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  8. 5,5 postes de surveillants pour 1500 lycéen à Thiais !!! Mais il y a des caméras !

    Les profs et les parents sont unis dans l'action mais pas entendus par l'EN !!!

    Enfin, on n'abandonne pas...
    MHF

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  9. Avec votre article, BiBi est allé chercher et lire quelques autres articles sur « La violence de l’institution scolaire » (ce qui diffère déjà de votre intitulé : « La violence scolaire »).

    BiBi signale l’article du Journal des Jeunes d’Octobre 2009 de Véronique Le Goaziou et Laurent Mucchielli ( « La violence des jeunes en question ». C’est le titre aussi de leur livre au Champ Social éditions 2009).

    Leur enquête a été menée en 97 et 2005 sur 557 dossiers judiciaires dans le département des Yvelines. 40 concernent les Violences à l’école.
    On y conclut que les violences (et les violences graves rarissimes) sont plus rares que les insultes, les menaces et les chahuts.
    Dans quelques affaires, l’enseignant est simplement un adulte (interchangeable). Dans d’autres cas, l’enseignant incarne l’autorité.
    Autre cas : l’enseignant représente l’institution scolaire.
    Enfin dans les affaires les plus nombreuses, c’est « l’enseignant dans sa fonction qui est visé et c’est le cœur de la relation d’apprentissage qui pose problème ».

    Lors des auditions, les propos des jeunes invitent à s’interroger sur la violence de l’Institution scolaire (incarnée par l’enseignant). Ils rapportent remarques humiliantes, ironie blessante, jugements dévalorisants.

    Lectures possibles : C.Rey dir. » Les adolescents face à la violence » (La Découverte 2000) et S.Beaud « 80% au bac … et après ? Les enfants de la démocratisation scolaire » (La Découverte 2000).
    Merci pour votre article qui m'a incité à réfléchir.

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  10. "ils n’ont pas forcément la carrure professionnelle pour être à la hauteur de la situation."

    En quelque sorte, un policier serait plus adapté à la situation ?

    Plus ou moins de surveillants, donc plus de moyen, n'éteindrait pas l'incendie.

    Si à l'école, on règle ses comptes à coups de couteaux, le problème c'est l'élève ou l'enfant : est-ce que ce sont encore des enfants?

    Plus de surveillants ne changerait pas grand chose.

    Il faudrait que les enfants redeviennent des élèves ... ou des enfants.

    Ils sont le produit de la société.

    Le problème n'est pas à l'école.

    La réflexion doit porter sur la jeunesse pervertie et violente, sur la société.

    http://cepheides.wordpress.com

    Lire la suite: http://www.bahbycc.com/2010/02/violences-scolaires.html#ixzz0g0vYpXwO
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