9 janvier 2011

Qui a le droit de franchir le point Godwin ?

Cette après-midi, j'ai regardé le film "Walter, retour en résistance", de Gilles Perret.


Il s'agit d'un documentaire à propos de la résistance, du conseil national de résistance et de la politique actuelle.

Le propos est simple : au sortir de la guerre, le CNR avait suffisamment de pouvoir pour imposer des mesures sociales aux grands patrons, qui pour beaucoup avaient été des collabos officiels...C'est à ce moment-là qu'on a mis en place la sécurité sociale, le système des retraites par répartition, les allocations, la liberté de la presse...La France était alors ruinée mais on a quand même trouvé l'argent nécessaire pour mettre tout ça en place.

Aujourd'hui, alors que le PIB de la France n'a jamais été si énorme, on nous fait croire que nous avons plus assez de fric pour faire tourner les mêmes systèmes de solidarité.

Y'a comme baleine sous gravillon.



Les quelques résistants qui sont interviewés, Walter Bassan, John Berger, Stéphane Hessel et Constant Paisant, qui ont été déportés, ont subi des tortures, ont vu mourir des copains à peine majeurs, comme eux, parlent de fascisme, de barbarie, d'une idéologie foireuse qui s'installe, rampante, au sein de notre société. Ce qui fit, dans les années 30, le lit du fascisme...

Lorsque vous et moi, aujourd'hui, sur internet ou ailleurs, nous osons ce parallèle, par exemple, quand un homme se jette par la fenêtre pour échapper à une expulsion, quand on sépare des familles, quand on "reconduit à la frontière", nous avons vite fait de gagner un point Godwin.

Et lorsqu'on évoque un retour en arrière, quand on casse le service public et qu'on se demande si le patronat ne souhaiterait pas qu'on revienne fissa au XIXème siècle, nous ne restons pas longtemps sans recevoir un point Godwin...

Cependant, lorsque ces octogénaires nous mettent en garde, est-ce seulement un délire de vieillard ? Ils sont pourtant incroyablement lucides, quand ils s'expriment.

Et comment ne pas voir le cynisme d'un Sarkozy sur le plateau des Glières entre les deux tours des présidentielles ? Comment ne pas sentir sa manipulation intéressée, lorsqu'un an plus tard, dans ce lieu de recueillement, il n'écoute pas celui qui lui explique qu'une plaque à ses pieds commémore un charnier, et qu'il détourne la conversation pour évoquer la robe rose de madame et la ravissante cascade là-bas au loin ?

Et comment interpréter l'embarras de Bernard Accoyer mis devant les contradictions du politique venant de faire un discours poignant sur la mémoire, sur la résistance et sur la France éternelle, quand on lui demande ce qui va advenir des décisions du CNR ?

Pourtant...L'Allemagne dépérissait de pauvreté quand le fascisme a commencé à avoir du succès. Aujourd'hui, les banlieues françaises dépérissent de pauvreté et les idées les plus extrêmes, religieuses ou autres, prennent leur envol...

Il nous faudrait un peu d'amour et de fraternité...

Le film confronte aussi Walter Bassan, ancien déporté à Dachau, qui s'est engagé en résistance "avec inconscience", comme il le dit, à l'adolescence, à des ado d'aujourd'hui. Des lycéens de Haute-Savoie. Tout à fait caractéristiques de leur génération, ils disent qu'en 2007, ils auraient sans doute voté "comme tout le monde", pour Sarkozy...Avec inconscience...A la différence de Walter, pour qui ce n'était pas faire comme tout le monde que de rentrer en résistance...C'était même très minoritaire, dans une France pétainiste...

Non seulement ces jeunes manquent de conscience politique, ce qu'on peut leur pardonner, mais font preuve d'un conformisme et d'un manque de rébellion qui ne va pas avec leur âge. C'est inquiétant...et c'est tout à fait différent des ados de banlieue que j'ai dans mes classes : ils font preuve d'un rejet de la société qu'on leur propose, pour certains, à travers l'Islam, notamment, en prenant le voile comme d'autres se faisaient tatouer au temps oublié du punk...

On devrait sans doute écouter ces vieux résistants...

CC
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7 commentaires:

  1. excellent ton rapprochement entre "on avait pas de sous mais on a pu " et le modéle actuel où l'on nus dit "y'a plus les moyens". Je trouve ça évident et pourtant nous sommes nombreux à ne jamais y avoir pensé. Même si les choses ne sont pas si simples, il y a toutefois beaucoup de cela. Merci pour cette réflexion de bon sens et bise à toi.

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  2. Beau billet, qui m'a touché... Peut être pas pour les mêmes raisons que d'autres, mais qui m'a touché...

    Je suis d'accord avec toi sur le constat (partiellement car tu omets que le cynisme n'est pas que dans un clan). Peut être moins sur la forme à employer, et les objectifs à atteindre.

    Mais oui, le début de ton billet est très juste, très prenant, très parlant... Et le fond, oui aussi...

    Non, bon billet.

    Bonne semaine à toi

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  3. mais comment remettre en question un système alors qu'on a déjà tout ?
    là est le problème. la gauche a trop bien travaillé au pouvoir. pour que révolte il y ait, il faut avoir faim, il faut avoir peur, il faut avoir mal. des jeunes élevés à la zapette, aux marques et au coca n'iront jamais se battre.
    Sinon, pour le début du billet, yes, tu touches juste.

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  4. « Il nous faudrait un peu d'amour et de fraternité... »

    C'est ce que devaient se dire les munichois, en 1938.

    Vous me faites marrer avec vos points Godwin : voilà plus de trente ans que les bonnes âmes de gauche traitent de fascistes tous ceux qui remettent leurs dogmes sacro-saints en question ! Et qui parle sans arrêt de "retour aux heures les plus sombres de notre histoire" ? Et qui n'a que le mot "nauséabond" à la bouche pour qualifier les idées qui ne sont pas les siennes ?

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  5. Bonjour
    @Romain : ce n'est pas mon idée, mais elle est pertinente. Certes, il y avait du travail au sortir de la guerre et il y a du chômage aujourd'hui...Mais si on prend en compte la hausse démographique et surtout la hausse de productivité, je pense qu'on doit tout de même être plus riches qu'en 1946... :)

    @FalconHill : oui, je ne parle pas tellement de camps, là...Je n'ai pas l'impression de penser que DSK changerait quelque chose à cette politique ! :)

    @JU : tout ? de la bouffe lidle et des fringues DorceléGerbala 100% phtalates ? C'est l'illusion du "tout"...Sans compter le nombre croissant de bénéficiaires des Restos du Coeur...C'est vrai que la bouffe Lidle, ça cale son homme et ça provoque le cancer précoce qui empêche un peu de réfléchir...

    @Didier : pas moi...

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  6. Bonjour,
    Entièrement d'accord.
    Notamment sur la phrase conclusive du billet.
    Marre de ce cynisme ambiant.

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  7. Les idées du FN gagnent du terrain... surtout à l'UMP.

    22 % des Français se disent d'accord avec les idées défendues par le Front national, un chiffre en hausse de 4 points par rapport à l'an dernier, mais qui reste minoritaire et stable sur le long terme, révèle mercredi 12 janvier un baromètre TNS-Sofres pour Le Monde/Canal+/France Inter, qui note une forte progression de l'image du FN chez les sympathisants UMP.

    S'agissant de la question délicate politiquement des alliances électorales avec le FN, ce baromètre montre une forte évolution des sympathisants UMP en leur faveur.

    Ils sont ainsi 35 % (+16) à estimer que leur parti devrait en faire "selon les circonstances" et 8 % (+4) à penser qu'il devrait passer une "alliance électorale globale", soit au total 43 % (+20 points) favorables à des accords.

    http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/politique/20110112.OBS6083/les-idees-du-fn-gagnent-du-terrain-surtout-a-l-ump.html

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