9 septembre 2010

La fin de l'école gratuite et efficace...

En juillet dernier, nous avons dit au revoir à trois collègues, dans mon collège : le premier, enseignant de mathématiques avait obtenu du rectorat un congé de formation pour passer l'agrégation. La seconde, professeur d'allemand avait eu une mutation. Une professeur d'anglais, enfin, n'était là que provisoirement, pour boucher un trou (ce qu'on appelle BMP : bloc de moyen provisoire).

Ces trois départs étaient prévus. Même l'amicale des personnels avait eu le temps de préparer avec amour des petits cadeaux, de les emballer, de leur mettre un joli petit kiki rose...

Et pourtant, en septembre, deux longs mois plus tard, l'éducation nationale n'a pas prévu de remplacement. Des élèves sont donc sans prof de maths, d'anglais ou d'allemand.

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Dans le quartier où j'enseigne, les écoles maternelles sont pleines : 32, 33 élèves en grande section...Plus moyen d'inscrire un bambin. Alors il faut se rabattre sur l'école privée, qui tourne à 23 élèves. Les conditions doivent être meilleures pour poser les premières bases de la socialisation, de la découverte des lettres, des couleurs et tout simplement de l'école...

33 élèves de maternelles, dans une école certifiée ZEP-Ambition réussite plan banlieue, quoi de plus normal, en même temps...

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Cette année, des professeurs stagiaires ont été mis devant des classes sans formation, pour 18 heures par semaine. Je me souviens qu'il y a 7 ans, j'étais stagiaire, moi aussi. Ce mot avait alors tout son sens : j'avais 12 heures de formation et je n'avais qu'une seule classe de seconde, soit 6 heures de cours. Je me souviens que je passais mes soirées à préparer ces 6 heures et que j'en revenais lessivée et souvent désespérée. J'ai beaucoup appris : j'ai surtout appris l'humilité et la remise en question personnelle. J'ai appris que si un cours se passait mal, c'était surtout à cause du cours. Et j'ai retravaillé et retravaillé encore ces cours pour les rendre meilleurs.

Je ne sais pas combien de suicides, de dépressions et de démissions il y aura parmi ces stagiaires. Mais je sais que pour beaucoup d'élèves, ce sera une année gâchée...On est pas forcément doué du premier coup, mais dans ces conditions-là, ces profs ne seront pas de bons profs avant un bon bout de temps...



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Dans beaucoup de collèges, cette année, on teste à grande échelle le fameux "temps aménagé" pour le sport. Le principe peut paraître séduisant, sur le papier : les élèves suivront les cours le matin et feront des activités sportives l'après-midi.

Outre que ces élèves auront quatre matinées de 4 ou 5 heures de classe non stop, ce qui peut paraître lourd pour un collégien, il faudra embaucher des profs de sport. Bonne idée. Sauf qu'en ce moment, le verbe "embaucher" est banni, au sein de l'éducation nationale. C'est donc un boulevard qu'on fait aux clubs privés qui vont venir chaque après-midi faire faire des activités aux enfants, payés par l'État.

Pendant ce temps-là, l'argent attribué aux A.S (associations sportives) des collèges est sans cesse revu à la baisse.

Logique ? Logique libérale, oui...l'école est un très très gros marché potentiel.


Par contre, pour les péquenots qui n'auront pas les sous pour mettre leurs petits dans le privé, ça va craindre de plus en plus...

CC
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11 commentaires:

  1. "mais vous avez 6 mois de vacances.. de quoi vous vous plaignez.."

    réponse régulière entendue, non... ?

    @unouveaucompte

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  2. Plutôt d'accord avec l'article, plutôt d'accord avec le fait que l'éducation ça va mal et que c'est pas nouveau.

    Par contre pas d'accord avec "J'ai appris que si un cours se passait mal, c'était surtout à cause du cours" - pour être encore élève (pas dans les mêmes conditions maintenant), si un cours se passe mal, c'est aussi, beaucoup, à cause des élèves.

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  3. Hello

    @unnouveaucompte : oui, tout le temps...surtout sur RTL et Europe1...Mais ce n'est pas tellement du bien-être douillet des profs qu'il s'agit...il s'agit avant tout de la casse du service public et de la qualité de l'éducation pour les bambins qui décroit. Enfin des bambins pauvres...

    @Vallenain : j'ai hésité à l'écrire. Je me rends compte du côté polémique de cette affirmation. Mais j'ai appris, en remettant cent fois mon ouvrage sur le métier, qu'un cours pouvait être très bon pour son contenu mais tout pourri dans sa didactique. Faire cours, c'est bien quelque chose qui s'apprend et j'ai beaucoup appris, durant l'année de stage, en observant des pairs et en écoutant des collègues...C'est un temps précieux que l'on gagne ensuite...Certes, les élèves, c'est un paramètre à prendre en compte, mais ça fait partie du cours, que de les prendre en compte...C'est même la partie la plus importante. Et quand je me dis parfois que c'est de la faute d'une classe, si je n'y arrive pas, il me suffit de parler avec des collègues (de confiance) pour me rendre compte que j'ai pris le mauvais chemin et qu'on peut quand même y arriver...

    Enfin, il me semble que la base du métier de prof, c'est la remise en cause permanente de ce qu'on fait.

    Par exemple, j'ai une collègue qui ne se remet jamais en cause, qui échoue toujours avec toute ses classes et qui met toujours ça sur le dos des élèves. Elle me sert d'exemple à ne pas suivre, car il est évident qu'elle ne sait pas s'adapter aux élèves. Pour enseigner quelque chose, il n'y a pourtant pas d'autre choix que de partir de ce que sait l'élève, de ce qu'il est, pour aller plus haut...

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  4. Marrant, j'ai tiqué aussi : moi j'ai plutôt appris (mais en collège, en ZEP) que si un cours se passait mal c'était d'avoir été trop travaillé ! La flexibilité, l'improvisation réussissait beaucoup mieux, pour capter l'attention, la retenir et faire passer problématiques, connaissances et méthodes.

    Sinon, je vois que les choses n'ont pas changé ou plutôt si, malheureusement...

    Je me demande très souvent si on peut obtenir quelque part les statistiques des démissions chez les profs (tous, stagiaires, jeunes profs, anciens etc.), tu as une idée ?

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  5. Non, je ne sais pas si on trouve ces stat quelque part, Chouyo...Mais j'ai observé, à mon niveau, quelques départs quand j'étais stagiaire (il vaut mieux se rendre compte tôt qu'on n'est pas fait pour ce métier). Après, beaucoup en parlent, mais peu passent à l'action. Il faut dire que la reconversion est très difficile...

    Je vais chercher avec mon ami Google, quand même : ce serait intéressant...

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  6. Qui c'est déjà, qui a dit "gratuite et obligatoire pour TOUS"?
    Bref, visiblement, c'est plus d'actualité. En dehors du fait qu'on y prodiguerait une enseignement de meilleure qualité, les parents sont également soucieux de la sécurité de leur enfant, mise à mal dans les collèges ou lycées publics. Soit.

    Ce qui me perturbe également, c'est ces établissements-test sur la méthode nordique qui a tant de succès. Test, soit les enfants sont cobayes. Et ceux qui passent des examens, BEPC ou bac, s'ils ne l'ont pas parce que finalement, le système ne fonctionne pas?

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  7. Et chez moi des classes ferment alors que le nombre d'élèves augmente...

    Non, on marche sur la tête. Bon courage !

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  8. j'avais bien compris que tu parlais d'un démantèlement d'une éducation égalitaire républicaine et laïque.

    @unouveaucompte

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  9. Pertinente analyse, je suis bluffée par "Enfin, il me semble que la base du métier de prof, c'est la remise en cause permanente de ce qu'on fait. "...
    J'en suis persuadée,ayant enseigné pendant une dizaine d'année, mais trop peu de profs le reconnaissent. Surement parce que ce métier est tellement prenant que pour la plupart remettre en cause ses pratiques pédagogiques c'est se remettre en cause soit même... Il est plus facile d'accuser les élèves, le système ou la hiérarchie.

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  10. Je soutiens de tout coeur la politique du gouvernement !

    Il faut d'ailleurs élargir cette politique de stagiaires lancés dans le grand bain du monde professionnel sans formation ni aucune compétence préalable.

    D'ailleurs, notre gouvernement a tout fait pour promouvoir ce genre de choses. Croyez vous réellement que Nadine Morano, Christian Estrosi et Rachida Dati aient été formés pour exercer leurs talents ? Non.

    C'est donc la preuve éclatante que cette politique fonctionne !

    La prochaine étape sera d'envoyer les pompiers stagiaires en premier, de laisser des aiguilleurs du ciel stagiaires tenter de réguler le trafic aérien et d'envoyer les 1ères années de médecine faire des opérations à coeur ouvert !

    Et, puis, si ça ne marche pas complètement, avec un peu de chance, ça créera du boulot pour les pompes funèbres et ça fera baisser les chiffres du chômage.

    Bon courage ;-)

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